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Dans le cadre du suivi des activités pilote du projet FAO - EAF-Nansen, Aliou Sall a recueilli au mois de juillet 2012, à l’instar de ce qui s’est fait avec d’autres écoles en Gambie et au Sénégal, les propos de M. Magueth Diop. M. Diop est le directeur de l'école Khadim à Hann et activement impliqué dans les tests d'insertion de l'approche écosystémique à la pêche (AEP) dans le curriculum de l'école. Il nous livre ses impressions à travers l’interview ci-après :

MM-Q : Monsieur Diop, que représente l’AEP dans le travail d’éducation environnementale, que vous avez commencé à faire depuis quelques années pour participer à une meilleure prise en compte de cette dimension à travers votre programme ?

R : A n’en pas douter, l’approche écosystémique constitue un moyen efficace pour informer et sensibiliser les écoliers, les communautés et les pouvoirs publiques sur la protection des mers et des océans. Il s’agit pour nous d’une voie obligée pour la préservation de l’écosystème marin. Les 5 principes ont chacun leur importance. Ceci dit, le principe clé portant sur l’intégrité de l’écosystème qu’il faut préserver, a eu un effet grandiose inattendu pour nous enseignants et les élèves. Nous sommes tous d’une communauté de pêcheurs et ainsi, nous avons commencé à considérer la baie de Hann, eu égard à son degré de pollution, comme un voisin malade. Ceci a été intégré d’ailleurs dans le sketch, que nous avons présenté au concours départemental des écoles que nous avons remporté avec un trophée.

Même si on s’en arrêtait là, nous pensons qu’il s’agit d’un acquis important. En effet, ce projet, avec les outils mis à notre disposition – notamment les deux posters qui nous ont beaucoup aidé dans nos différents travaux avec les élèves – a permis de faire un travail de sensibilisation même en dehors du cadre de notre communauté. Mais surtout le projet a permis un travail de prise de conscience collective lors de la présentation du sketch dans trois lieux différents, comme quoi la Mer n’est pas seulement constituée d’eau. Il ne faut occulter le fait que la mer est constituée, pour les gens qui n’en ont pas la possibilité de découvrir la diversité de la faune et de la flore qui y vivent, d’eau uniquement.

MM-Q : Y’a –t-il d’autres impacts enregistrés au niveau des élèves qui ont participé depuis quelques mois à ce travail ?

 

R : Vous savez, l’application d’une telle approche permet de mettre surtout en exergue les relations intimes, qui existent entre les hommes et les écosystèmes marins. A travers notre expérience à l’école Khadim et dans les communautés des pêcheurs de Hann en considérant la baie de Hann et ses eaux comme des voisins gravement atteints, on perçoit chez les uns et les autres une détermination farouche à ne ménager aucun effort pour les guérir.

MM-Q : On sait que depuis quelques années, vous vous êtes fait remarquer, comparés à d’autres enseignants, par la priorité que vous accordez traditionnellement au théâtre pour l’éducation environnementale. Peut-on savoir ce que l’AEP vous a apporté dans ce domaine précis ?

R : Au niveau des élèves, l’approche écosystémique a considérablement contribué au renforcement de leur expression artistique et orale en enrichissant leur vocabulaire. Elle aiguise aussi leur curiosité intellectuelle et les prépare à devenir de futurs ambassadeurs de l’écosystème marin et surtout des pêcheurs. Les approches écosystémiques se traduisent aussi par le développement du sens de tous et de chacun en intégrant les notions de développement durable (préservation des milieux marins et protection des alevins).

MM-Q : Avez- vous autre chose à ajouter ?

R : Enfin, je peux dire que les outils mis à disposition par le projet, telle que la règle, ont permis aux élèves d’acquérir des compétences, qui vont continuer à se développer dans le cadre des cours de sciences et d’observation, tout en contribuant à enrichir leur vocabulaire, sur la base de nouveaux concepts scientifiques, jusque là réservés à une certaine élite de chercheurs. On est dans un réel processus de popularisation des outils de la science en ce qui concerne l’océanographie en général et la pêche en particulier. Aussi, la collaboration naissante entre les jeunes écoliers d’une part et les gestionnaires des pêches et les scientifiques de l’autre à travers les sorties pédagogiques, constituent une des conditions pour des synergies concrètes. Cela doit déboucher sur des actions multiformes susceptibles de faire aimer, respecter et surtout protéger les mers et les océans, qui sont traditionnellement une réserve inestimable de nourriture pour tous les habitants de la planète terre, y comprises les générations futures. Ce rôle d’approvisionnement en biens doit être préservé par une gestion responsable et durable des écosystèmes dans leur intégrité.

MM-Q : Avez-vous observé quelques problèmes, de nature mineure ou majeure qui pourraient constituer quelques contraintes dans vos efforts à intégrer l’AEP de manière durable dans votre programme d’enseignement ?

R : Il y’a eu des problèmes liés à la crise scolaire, qui ont fait que nous n’avons pas eu assez de temps à accorder aussi bien pour les tests que pour la mise en œuvre de la suite. Sinon, on aurait enregistré davantage de résultats et de produits (surtout les pièces de sketchs) que nos partenaires européens du projet pourraient valoriser dans leurs sites ou revues en ligne. Mais nous allons relancer dès l’ouverture prochaine.

Il y’a aussi un autre type de problème d’ordre logistique. Aujourd’hui, nos écoles sont démunies et cela se traduit par le manque d’un minimum tel que l’accès à l’informatique de manière plus ou moins régulière. L’accès aux TICs serait aussi d’un appui considérable pour permettre à nos élèves de construire des réseaux avec écoles en Europe, surtout ceux de la partie francophone. Enfin, j’aurai aussi souhaité que ce réseau naissant d’écoles participant au projet puisse être accompagné pendant la phase de 18 mois, afin de pouvoir asseoir un réseau solide qui pourrait voler de ses propres ailes dans 24 mois. Mais ceci demande la facilitation de réunions de capitalisation périodique dans la phase de 18 mois prévus pour la phase pilote.

MM : Je vous remercie Monsieur Diop.