Ce fut bien à propos, que s’est tenue à Bruxelles la conférence organisée par ‘Seas At Risk’ mettant l’accent sur la mise en oeuvre et l’action. Prenant acte du fossé existant entre la parole et l’action et même entre la législation censée être promulguée et son exécution par les hauts fonctionnaires et agences, le consortium avait préparé un ‘Blue Manifesto’, feuille de route 2020-2030 pour le respect des engagements.

La journée commença par un nombre de piqûres de rappel, dans une atmosphere bienveillante, mêlant sciences et art et ressentie par l’aménagement et la décoration de la salle.

La première session donna la parole à Monica Verbeek, Directrice Exécutive de Seas At Risk, Hans Bruyninckx, Directeur Exécutif de l’Agence Européenne pour l’Environnement à Copenhagen, S. Fletscher Professeur à l’Université de Portsmouth et Président du Groupe d’expert ‘UN International Resource’ et Easkey Britton, sociologue en sciences marines, surfer et participant du project Horizon2020 SOPHIE.

En dépit de certaines améliorations çà et là, la plupart des indicateurs pointent dans la mauvaise direction. L’empreinte anthropique sur les resources naturelles s’accélèrent d’autant que la démographie ne ralentit pas.

Plutôt que de s’attarder sur des chiffres extrêmement préoccupants, la plupart des orateurs se sont penchés sur la mise en oeuvre: comment atteindre, avant qu’il ne soit trop tard, les objectifs que l’on s’est promis depuis si longtemps. La priorité est d’éviter les points de bascule aux effets irréversibles, particulièrement ceux liés au climat et à la préservation des resources.

Des praticiens d’Espagne, de l'Irlande et de la Croatie montrèrent combien il est important de persévérer et de garder le contact avec les citoyens affectés et les organisations locales de protection de l’environnement marin et/ou terrestre. Dans ces combats, il est important d’établir des relations de confiance entre les différents groupes engagés dans la protection de l’environnement et la défense des moyens de subsidence locaux, recherchant l’aide d’autant d’alliés et d’intermédiaires que possible. Si les manifestations citoyennes sont insuffisantes et qu’il faut prendre le chemin légal, les coûts peuvent être très élevés sauf s’ils ont le support du ‘crowdfunding’ et d’avocats alliés à la cause.

La dernière intervenante de la matinée, Claire Nouvian, fondatrice et Présidente de ‘Bloom’ ne cacha pas sa méfiance envers les discours politiques lisses qui apparaissent favorables et concentrent les énergies des activistes mais ne mènent pas à la mise en exécution de mesures à long terme visant la protection du climat et de l’océan. Elle fut particulièrement interpelée par le vote du Parlement Européen autorisant la poursuite des subvention aux pêcheries préjudiciables en violation de l’interdiction de 2004. C’est une gifle face aux efforts de l’Organisation du Commerce Mondial (OMC) pour les éliminer à l’horizon 2020.

L’activiste pour le Climat, Lola Segers du mouvement ‘Youth for Climate Belgium’ fit la liste de leurs activités de campagne qui, cependant, ne permirent pas de nouer un dialogue sérieux avec la majorité des politiciens. Sans doute faudra-t-il de nouvelles formes d’action pour maintenir la mobilisation de la jeunesse.

L’artiste et activiste du mouvement ‘Extinction Rebellion’, quant à lui pense que la mobilisation des citoyens peut se faire autour de l’amour et la protection de la Terre, face à la désolation des extinctions animales et végétales, pour autant que cela s’accompagne d’une couverture médiatique adéquate.

Il y eut après le déjeuner, un message vidéo de Peter Thomson, Envoyé Special pour l’Ocean du Secrétaire Général des Nations Unies António Guterres. Il rappela la tenue de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan en juin à Lisbonne où il attend des plaidoyers ambitieux pour la mise en oeuvre de l’objectif SDG 14 afin de rattraper le temps perdu par manque d’action depuis 2015.

Ses thèmes prioritaires sont: l’abolition du plastic à usage unique; la négociation pour la réduction de 30% de l’exploitation de l’océan; la réduction des conflits d’intérêt via l’outil de planification spatiale marine. A ce sujet beaucoup de participants incluant Mundus maris auraient pu ajouter: ‘en finir avec l’exploration de gaz et de pétrole’. Hélas leur accroissement semble frénétique. L’accélération de la surexploitation s’observe souvent juste avant que les accords internationaux entrent en vigueur et ne gèrent donc plus que les tristes restes.

Faisant suite à cet appel à l’action, les participants se répartirent en quatre tables de conversation discutant des six défis suivants:

1. Communication de l’urgence de la crise de l'océan au grand public

2. Agir par rapport aux obstacles de gouvernance

3. Application du Droit de la Mer

4. Affectation des flux financiers à la préservation et réhabilitation plutôt qu’aux activités préjudiciables à l’océan

5. Diminution de la consommation non durable et ses voies de production

6.  Prise en compte des aspects sociaux liés à la transition pour un océan en bon état.

Les représentants de Mundus maris, Patricia Morales and Cornelia E Nauen, ont participé aux discussions du défi quatre dont les conclusions majeures ont été présentées aux autres groupes par Cornelia. Les points clef des ateliers furent ensuite présentés graphiquement et discutés en plénière.

Virginijus Sinkevičius, membre de la Commission Européenne en charge de l’Environnement, des Océans et de la Pêche, accueillit le Blue Manifesto avec prudence. Il a proclamé de promouvoir à ce qu'environ 30% du budget pour la période 2021-2027 soit utilisés pour neutraliser le climat en Europe.

Ce fut ensuite le tour de politiciens expérimentés de se positionner par rapport aux actions réclamées par un grand nombre d’organisations issues de la société civile en relation avec les demandes et à la feuille de route du Blue Manifesto. Il s’agit de Hans Bruyninckx (EEA), Heike Imhoff (Directrice des Affaires Maritimes au Ministère Fédéral Allemand de l’Environnement, de la Conservation de la Nature et de la Sécurité Nucléaire), Pascal Lamy, (ancien directeur du OMC et Président du Conseil de Mission en Europe pour 'Healthy Oceans, Seas, Coastal and Inland Waters’), Bernhard Friess (Directeur General ff. de la DG MARE) et Monica Verbeek.

Bien qu’un ton général de prudence fut de mise dû au fait que les négociations sur le budget ne sont pas terminées, la ré-interprétation de l’investissement industriel ‘Green Deal’ portée par la Présidente de la CE von der Leyen, laisserait quelques espaces pour la protection de l’environnement. Même pour des observateurs inexpérimentés, il fut clair que l’environnement reste le parent pauvre des préoccupations de partie de ces sommités. Clairement plus de public doit être mobilisé pour arriver à mettre à l'exécution les lois et engagements.

Plus optimiste, la dernière session fut laissée à des professionnels ayant démontré comment des histoires visuelles racontant l’urgence de protéger l’océan et la biodiversité peuvent toucher des millions de citoyens. Quelques clef de construction de tels documents furent données par James Honeyborne (Producteur Exécutif de Blue Planet II), Jonathan Smith (Producteur) et Nicola Brown (Impact producer). Le premier principe est de toucher et engager émotionnellement les spectateurs. Ce n’est que quand ils sont ralliés à la cause qu’ils peuvent comprendre et face à la difficulté de protéger les océans. Et, convaincus de cette nécessité de protection, ils vont entrer en action.

Pour atteindre cet objectif, les cinéastes n'ont pas seulement passé plus de 1000 heures sous l’eau pour recueillir des images mais ils ont créé de façon innovante des ambiances transportant le spectateur dans un milieu naturel encore jamais vu. De plus l’accompagnement d’alertes avisées sur les réseaux sociaux a pu faire grimper le nombre de followers en quelques jours, jusqu’à 28 millions. Qui n’a pas vu Blue Planet II?

Apportant un vent différent, Rik de Droominee, auteur et interprète, termina cette journée de travail. 30 années de Seas At Risk sont une bonne raison pour célébrer ensemble. Mais un énorme travail nous attend pour la mise à exécution du Blue Manifesto d’ici 10 ans: retrousses tes manches et coopère. Pas simple, mais c’est possible et nécessaire.

The Damaged Beauty of Water, une production collective sous la direction de l'artiste Massoud Lari des Ateliers Créatifs du Chant d'Oiseau a été exposée avec d'autres œuvres d'art dans le hall d'entrée et dans tout le lieu de la conférence.