L'espace de réseautage des jeunes chercheurs marins à Stralsund, la ville historique de la Hanse en Allemagne, du 10 au 12 septembre 2014

by Cornelia E Nauen

Des fortunes ont été créées et détruites à Stalsund, la ville historique de la Hanse. Autrefois, la ville la plus puissante de la Baltique grâce aux ressources de la mer : l'argent de la mer - l'hareng - et sel, la ville a perdu de son lustre lorsque l'association du commerce s’est effondrée. Point d’accès à la magnifique île de Rügen et récemment déclaré site du patrimoine mondial par l'UNESCO, Stralsund est maintenant fortement engagé dans la restauration du centre de la ville à son ancienne gloire, et tire son économie de la construction, du tourisme, de l'Ozeaneum et d'autres services connectant les habitants aux visiteurs de la mer et de sa conservation.

La conférence YOUMARES pour les jeunes scientifiques marins en est à sa cinquième année en tant qu’excroissance du groupe de travail «Recherche et enseignement » de l'Association allemande pour la recherche marine (DGM), qui a également tenu son assemblée annuelle à l'occasion.

Devenue un événement bien établi attirant non seulement des étudiants et jeunes scientifiques de l'Allemagne mais aussi des pays voisins, elle a été organisée par une nouvelle équipe, dirigée par Vera Golz et Christian Jessen, mais qui continue à travailler avec le même dévouement que ces prédécesseurs pour la création de conditions d'accueil pour plus de 100 participants actifs réunis dans le cadre magnifique de l'Ozeaneum.

La conférence a été précédée par l'atelier FINET le 10 septembre, qui portait sur la théorie des jeux appliquée à la pêche et organisé par Giovanni Romagnoni de l'Université d'Oslo, Norvège, Sophia Kochalski de l'Université de Liverpool, Royaume-Uni, anciennement l'Université de Berlin, en Allemagne, et Corinna Schendel.

Plusieurs participants ont présenté une publication phare chacun sur tel ou tel aspect de la théorie de jeu pour aider à comprendre les concepts clés et les débats.

Une rencontre dans la soirée a été la première occasion pour tous les participants de discuter et socialiser autour d'un verre.

Des interventions magistrales de scientifiques confirmés ont ouvert la conférence le lendemain.

Trois grandes sessions ont permis de structurer la journée.

Plusieures recherches ont chacune été présentée sous les thèmes des sessions: la pêche à petite échelle, la recherche dans l'eau marine froide, et les outils et méthodes de soutien d'une approche à la planification de l'espace maritime fondé sur les écosystèmes.

Soledad Luna de l'Université de Technologie de Dresde, en Allemagne, a introduit la session sur la pêche artisanale. Elle a souligné l'importance de démarginaliser ce secteur socio-économique, en particulier à la lumière des reconstructions des captures mettant en évidence son poids socio-économique sous-estimé.

Ces reconstructions - de véritables morceaux de travail de détective scientifique dans tous les pays et les grandes îles - sont réalisées grâce à des collaborations mondiales initiées et coordonnées par le projet Sea Around Us à l'Université de la Colombie-Britannique, Vancouver, Canada. C'est d’ailleurs là où est basée sa co-présidente de session Anna Schuhbauer.

Sophia Kochalski a donné un sens accrocheur à ses recherches sur la pêche de coquillages dans les eaux côtières du Royaume-Uni, où elle a étudié la durabilité et la résilience. Elle a utilisé un système d'évaluation multi-critères et a conclu que la durabilité à l'échelle macro a été largement assurée, même si au niveau micro la surcapacité a donné lieu à une certaine inquiétude. Cependant, les pêcheurs à temps plein expérimentés auraient l'occasion de passer à d'autres espèces si les stocks étaient trop réduits, tandis que de nouvelles entrées ou des pêcheurs à temps partiel devaient être en mesure de se diversifier dans d'autres emplois en cas de besoin.

Malin Anderson de l'Université de Lund en Suède a présenté ses travaux de recherche empirique sur les perceptions des pêcheurs sur la durabilité à travers l'analyse des discours confirmant une résistance généralisée aux mesures de gestion hiérarchique.

Lotta C Kluger et G.A. Castellanos Galindo ont partagé quelques comparaisons entre l'utilisation des mangroves en Colombie occidentale et au nord du Pérou, une recherche effectuée dans le cadre du projet MAPES. En Colombie, avec des densités de populations modestes constituées pour la plupart d’afro-indiens et ayant un accès difficile au marché, la diversité des espèces était plus grande, mais les conditions sociales plus difficiles. En revanche, l'exploitation au Pérou et la transformation de ce qui était à l'origine une zone dense de mangrove était beaucoup plus diversifiée avec des activités économiques de l'écotourisme à la production de crevettes qui fournissent une base économique pour une plus forte densité de population. Le jury n’est toujours pas décidé sur lequel des systèmes est le plus résistant aux divers chocs et changements. Ce n'était certainement pas de cas simplistes d’éco-déterminisme. L’écoute de la présentation orale évoquait des images de grandes populations et des systèmes écologiques et de gouvernance complexes à travers les Amériques avant Colomb tel qu’ils sont passionnément résumés par Charles Mann dans son livre "1491" sur la base les derniers trois ou quatre décennies de recherche.

Lena von Nordheim de l'Université de Rostock et de l'Institut Thünen à Hambourg, en Allemagne, a examiné les trajectoires historiques de la pêche à l'hareng dans le Greifswalder Bodden et a comparé le succès de réproduction dans différents substrats naturels avec celui des tests de laboratoire afin de comprendre dans quelle mesure la dégradation de l'habitat pourrait affecter le succès de la reproduction de l'hareng ciblé par la pêche côtière. Effectivement c'est le cas, mais les harengs continuent de suivre leur instinct de retour à l'endroit de leur naissance et se reproduisent, avec un certain succès, dans la région de Bodden.

Ralf Hoffmann a introduit la session sur la recherche en eau froide et de sa pertinence à la lumière des changements climatiques en cours.

Duygu S. Sevilgen de l'Institut Max Planck de microbiologie marine de Brême, en Allemagne, a donné un résumé plein d'esprit de sa thèse de doctorat comparant la performance physiologique des microalgues sur le fond marin de Svalbard, Spitzberg, en Norvège, et de Helgoland, en Allemagne. La flore est dominée par des diatomées qui jouent un rôle écologique important dans le fond marin. La richesse des espèces est plus grande à Spitzberg que dans les eaux plus chaudes de l'île de Helgoland, mais la production primaire n'augmente pas beaucoup lorsque la température augmente, tandis que la respiration augmente dans l'obscurité. Ceci est considéré comme une indication selon laquelle il y a plus d’animaux macrobenthos qui contribuent à la respiration et que la photosynthèse des algues est déjà à son maximum pendant les longues journées d’été. Donc, on soupçonne que les communautés vont changer de manière significative sur le long terme dans le cadre des conditions de changement climatique en cours.

Michael D. Streicher a parlé de la succession d'assemblages sur des fonds durs comme évalué dans des expériences à long terme à Svalbard, en Norvège. Malgré plus d'une décennie d'exposition, tous les substrats n’ont pas été utilisés dans les eaux froides car il faut apparemment très longtemps pour obtenir une communauté mûre sur l'habitat vierge dans ces circonstances.

Henry Goehlich a regardé dans un autre aspect de l'évolution des habitats, à savoir la capacité de certains coraux d'eau froide dans les fjords chiliens à faire face à l'acidification résultant de l'absorption de l'océan de grandes quantités de CO2 rejetées dans l'atmosphère en raison des activités humaines. Il a constaté que les deux espèces faisant l’objet de ses recherches dans les eaux du fjord déjà légèrement acides étaient encore capables de construire leur squelette, mais ont dû dépenser plus d'énergie pour le faire. Il faudra d'autres recherches pour évaluer les conséquences avec le changement climatique en cours.

Antje Gimpel et Henrike Seidel, chercheurs en doctorat à l'Institut Thünen à Hambourg, ont présenté la session sur les méthodes sur base de données massives en présentant des approches de gestion pour la pêche en Allemagne, qui était en dehors du plan marin dans le pays. Dans les situations de richesse de données, de telles méthodes permettent d'explorer les options de gestion non-conventionnelles, puisque le business comme d’habitude n’est plus une option. Trois autres documents méthodologiques et de recherche ont également été présentés.

Après ce programme intensif de présentations orales, il était temps pour des ateliers spéciaux, par exemple sur les approches interdisciplinaires de recherche, sur l'édition scientifique en collaboration avec la maison d'édition Springer ou de courtes excursions dans le centre historique de la ville ou de l'Ozeaneum.

La séance d'affiches et une intéressante conférence du professeur Detlef Schulz-Bull de l'Institut Leibniz pour la recherche de la Baltique à Warnemünde sur la pollution pétrolière, ont conclu la partie scientifique de la journée. Alors que seuls les grands accidents de pétroliers attirent l’attention et entrent dans la conscience publique, ce sont les nombreux petits événements tels que le nettoyage des réservoirs d'eau de ballast et la pollution chronique de déversements des ports et des plate-formes, qui constituent la majeure partie de la pollution pétrolière. Le pétrole est un mélange complexe d'un grand nombre de molécules différentes. Les plus légères s'évaporent rapidement dans l'atmosphère, mais les nappes affectant la faune, les habitats marins ainsique les composantes aromatiques hautement toxiques, qui entrent dans la chaîne alimentaire, sont les plus dangereux. La Convention HELCOM a commencé à réduire la pollution pétrolière dans la mer Baltique depuis les années 1970, mais beaucoup de travail reste encore à faire pour parvenir à un bon état écologique de toutes les eaux.

L’interaction avec les participants par le biais de questions et conversations a offert d’excellentes opportunités à Mundus maris de mettre à jour la compréhension sur quelques nouveaux résultats de recherche présentés ainsi que le partage de points de vue à partir de l'interface avec l'aide des sciences, des cultures locales et des arts pour relever les défis de l'océan et de la société.

Le problème du plastique omniprésent a été abordé lors de la dernière journée de l'événement de réseautage avec d'autres sessions sur écologie et la conservation des récifs coralliens, l'aquaculture dans un océan en changement continue et d'autres thèmes. L'événement a été conclu par une cérémonie de remise des prix pour la meilleure présentation orale et la meilleure affiche et, bien sûr, par le dernier tour de réseautage autour d'un verre après la conférence.

Bravo aux jeunes scientifiques marins!

Sauf indication contraire, toutes les photos sont de l'auteur.