Index de l'article

par le professeur Sarah Keene Meltzoff
Department of Marine Ecosystems and Society
Rosenstiel School of Marine and Atmospheric Science

Université de Miami, Etats-Unis

La version originale de cette étude de cas est le résultat de l'invitation du professeur Paul Durrenberger à contribuer un chapitre à son livre «State and Community in Fisheries Management: Power, Policy, and Practice » (Durrenberger et King, édition 2000).

2000 Meltzoff, S.K., ["Nylon Nets and National Elites: Alata System of Marine Tenure Among the Lau of Fanalei Village, Port Adam Passage, Small Malaita, Solomon Islands"] « Filets en nylon et élites nationales: le système des Alata des régimes marins chez les Lau du village Fanalei, Passage Port Adam, Petite Malaita, Iles Salomon », chapitre invité du livre de Durrenberger, E. Paul et Thomas D. King, édition 2000. State and Community in Fisheries Management: Power, Policy, and Practice. Westport, CT:Greenwood Publishing. 69-82.

De petits bijoux se trouvent sur le sable humide, des jais noirs parsemés de bleu irisé, des rayures jaunes et oranges, des motifs vert-rouge. Ces poissons miniatures de récif ont été piégés par la petite maille des grands filets en nylon entassés à l'avant de la pirogue. Ils reflètent la prise mince des pirogues de quatre hommes ayant l'habitude de rentrer chez eux chargés. Comme les pêcheurs se partagent les poissons, les femmes se contentent de réclamer les petits poissons. Creusant des trous ave les canots, ils marquent des tombes avec des palmes de cocotier. Les petits enfants jettent les couleurs dans l'air. D’autres enfants arrivent avec des cannes à pêche, et en recyclent quelques-uns en guise d’appât. Ils se dirigent vers les bassins de la marée le long du récif frangeant de la rive Est de l'île de Fanalei.

Jusqu'à l'introduction de filets en nylon modernes et l'accès à un marché au comptant en milieu urbain, le système des Alata a conservé les récifs peu profonds et ses poissons juvéniles sous la direction du clan principal de Fanalei. Alata est le système traditionnel ou «coutumier» marin chez les habitants Lau "Saltwater" («les gens de l'eau salée»). Ce cas explore comment le village de pêcheurs de Fanalei sur le Passage Port Adam, Petite Malaita, a modifié ses Alata et l'utilisation coutumière des ressources récifales. En positionnant le système des Alata dans une perspective historique, nous comprenons les changements sociaux, économiques, politiques et environnementaux perpétuels qui interagissent et font constamment évoluer la pêche dans les récifs de Fanalei.

Mon travail ethnographique multi-sites dans les îles Salomon a commencé à Fanalei et dans le village Sa'a de Petite Malaita en 1973 (grâce à Thomas J Watson Fellowship), avec le privilège d'observer les transformations dans la vie de l'île au cours des dernières années de la domination coloniale. Cela a conduit à ma thèse de terrain en anthropologie culturelle à l'Université Columbia, NY (grâce à ICLARM et la Fondation Rockefeller), suivie de visites de terrain périodiques vers 1992. L’étude ethnographique pour ce cas remonte en 1988, quand la trésorerie nette de la pêche effrénée des Alata était à son apogée.

La « Civilisation » - le terme en anglais pidgin pour le monde moderne de machines et de produits manufacturés, utilisé en opposition à la «coutume» - est venue des basques de la colonisation britannique. Les Îles Salomon ont été officiellement réclamées par la Grande-Bretagne en 1893. La « Civilisation » a exigé la Pax Britannica dans le cadre du programme de l'administration directe pour mettre fin à la chasse aux têtes et aux raids constants. La « Civilisation » exigeait également que les insulaires entrent dans un monde où l'argent n’est pas seulement souhaitable, mais nécessaire. Les britanniques ont volontairement déclenché la nécessité d'argent en imposant des taxes d’entrée. Le chef de district de Malaita devait patrouiller et percevoir des impôts ainsi que des armes illégales pour apprivoiser ce lieu sauvage le plus dangereux de l'imagination britannique, où le cannibalisme était réel.

Lorsque l'indépendance est arrivée en 1978, à la fin de l'ère coloniale mondiale, la Grande-Bretagne semblait heureuse de céder. Elle n’avait jamais développé une richesse extractive ou une infrastructure importante pour la population des îles Salomon qui aujourd’hui explose. En 1972, lors du déclin de la domination coloniale, les Britanniques ont fait l’effort de créer une source de devises à travers un joint-venture à la pêche au thon avec la société japonaise, Taiyo-Gyogyo, plus grande société de pêche du monde (Meltzoff et LiPuma 1982). La pêche à la ligne de listao à Salomon était censée devenir la principale source du PNB pour un État en construction dépendant de l'aide étrangère. Mais l'histoire ne s’est pas déroulée de cette façon parce Taiyo, une entreprise verticalement organisée, a déclaré des pertes de la co-entreprise pour au moins la première décennie de fonctionnement, malgré de belles prises.

Solomon Taiyo, cependant, était devenu une source alternative d'emplois populaire au lieu du travail dans les plantations. Les jeunes Saltwater de Fanalei ont immédiatement embauché comme pécheurs expérimentés. La « Civilisation » l’emporte sur la «coutume», les travailleurs migrants en alternative à la guerre, étaient devenus la norme sociale établie. Le désir d'argent comptant du village a seulement augmenté avec l'indépendance. Compte tenu de ces forces de changement, le système des Alata des Lau et la pêche au sein du Passage Port Adam ont été amorcés pour un changement drastique.

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(1) Ce document est en l'honneur de Wilson Ifunao. En 1973, il rentra chez lui de l'Université de Papouasie-Nouvelle-Guinée, où il avait étudié l'anthropologie. Moi aussi, venant tout juste de terminer l'université et grâce à une bourse Watson que j’ai obtenue, j’ai réussi à vivre partout dans le monde pendant un an. Un fantasme de Margaret Mead et un désir ardent de mers tropicales m'ont conduit dans les îles Salomon. Honiara était alors une petite capitale britannique coloniale bordée de palmiers dans une architecture de de guerre américaine, de routes et ponts et reliée au monde extérieur par l'aérodrome Henderson de la Seconde Guerre mondiale. La population de Honiara était de 7000 habitants dans un archipel d'environ 200 000 personnes. Et, Wilson n’était que l'un des cinq Salomonais avec un diplôme universitaire. Il venait juste de commencer à travailler pour le gouvernement quand il m'a pris sous son aile. Il était chaleureux et drôle, très intelligent et réfléchi sur les changements sociaux qu'il menait. Nous sommes devenus amis et il m'a invité à aller vivre dans son village traditionnel "Saltwater", à Fanalei, où son père était le chef. Quelques années plus tard, Wilson a failli venir à Stonybrook pour son doctorat en anthropologie. Alors que j’étais étudiante diplômée de Columbia, j’étais sur le point de le chercher à l'aéroport quand il m’a télégraphié que le gouvernement salomonais venait de lui offrir un poste beaucoup trop important pour renoncer, le premier d'une brillante carrière. Wilson et son épouse originaire de Lau Nord, ont élevé des enfants qui, à leur tour, sont des élites nationales. Plusieurs frères, sœurs et cousins de Wilson et leurs enfants sont des élites nationales. Wilson était un membre extraordinaire d'un clan impressionnant, et un chef de file de sa première génération d'élite nationale. Il est mort de problèmes cardiaques en 1996.

Toutes les photos sont de l'auteur sauf la carte générale.


 

Le système des Alata

 

Les Lau originaires du nord de Malaita ont migré vers le Passage Port Adam il y a au moins douze générations, et maintiennent des liens sociaux étroits. Les Lau ont ramené leur culture basée sur la pêche, y compris des esprits puissants pour attirer les poissons et chasser les dauphins. Ils ont transplanté le système des Alata.

Installés à Fanalei, une île naturelle à l'entrée sud du passage Port Adam, ils ont commencé à créer des Alata – des récifs historiquement reconnus comme de bonnes zones de pêche qui sont déclarés propriété de clan. À l'extrémité nord du passage, certains Lau on bâtit un îlot de corail artificiel - pour lequel les Lau sont connus- créant le village de pêche voisin de Walande.

Pour contrôler l'accès au passage, les Lau ont établi une distinction nette entre eux et le peuple "Bush" Sa’a qui habite la partie continentale de Petite Malaita. Les Lau et les gens de Sa’a se mariaient parfois entre eux pour accroitre l'accès aux ressources spécialisées de la pêche des Saltwater et au jardinage des Bush.

Les clans Saltwater et Bush autour du Passage se battaient souvent entre eux, les clans plus faibles utilisant des Ramos comme mercenaires pour la protection. Les Ramos ont gagné le respect et la richesse de la coutume, des droits sur les récifs et terres aux brasses de coquillages rouges - perles forées à partir de coquilles de spondylus qui sont des richesses Malaitan tout comme les dents de dauphins. Les clans Lau ont dominé les clans Sa'a dans la guerre de pillage.

Le clan Fanalei avec le Ramo le plus puissant est devenu le clan principal et a occupé les Alata. Les membres les plus âgés du clan se rappellent toujours des histoires de combat qui décrivent comment ils ont gagné les Alata contre les faibles clans Lau en guise de récompense de la protection. Ces histoires de combat peuvent justifier aujourd’hui le pouvoir politique et la propriété des droits. Mais lorsque cela est mentionné en public devant ces clans qui ont dû engager Ramo, la honte et la colère apparaissent. Les histoires ont la capacité poignante de déclencher des bagarres chez les jeunes hommes sur le chemin du travail où tout le monde se mélange. On leur raconte pas des histoires de combat jusqu'à ce qu'ils soient rentrés chez eux, pourqu'ils ne tentent de marquer un point socialement avec une connaissance coutumière volatile.

Selon la coutume Lau, une Alata a été créée par le premier homme à avoir une équipe pour son propre filet autour d'un récif non réclamé et une prise abondante. Ce propriétaire de filet a gagné le droit de nommer ce récif comme une nouvelle Alata pour son clan. Seule une personne assez puissante pour transporter le filet avec le canot géant requis, et capable de contrôler une équipe de pêche au filet pouvait établir une Alata.

La Pax Britannica a gelé la propriété d’Alata à perpétuité. Les clans plus faibles n’engagent plus de Ramo qui pourrait exiger le paiement en Alata. Durant les jours de guerre de Ramo, le chef de clan était souvent le Ramo. Le système de récupération «de combat» du clan a permis à l’actuel clan principal de Fanalei de détenir la totalité des Alata.

Les Alata d'aujourd'hui ne peuvent être transférés sans le consentement du clan tel un corps. L’Intendance d'un Alata est cédée à un membre d’un clan individuel, mais les femmes mariées ne peuvent être désignées «propriétaires» d’Alata. A Fanalei, le «propriétaire» est le chef.

Techniquement, seul le clan qui possède l'Alata peut l’utiliser pour des activités autres que la pêche au filet, telles que la chasse sous-marine, la pêche à la ligne ou la cueillette sous-marine. Il reste interdit à une personne extérieure du clan «de pêcher quoique ce soit» dans un Alata – Autrement une amende compensatoire coutumière est appliquée. Les ancêtres du clan informent l’intendant en cas de transgression. Les canots n’étaient pas autorisés à passer sur l’Alata mais devaient passer à travers des canaux, protégeant les coraux peu profonds d'inadvertance des pagaies, et désormais des moteurs hors-bords.

L’Adi - une interdiction de pêche spéciale à l'intérieur d'une Alata pendant une période allant de six mois à deux ans - est un mécanisme de contrôle central dans le système des Alata. Entre les pêches au filet dans un Alata particulier, le propriétaire pouvait imposer un Adi pour réserver des stocks de poissons pour une occasion spéciale, comme une fête, ou pour un troc contre la richesse nécessaire pour une dot.

Le recours à un Adi, incarnait l'ensemble du complexe politico-socio-technologique, économique et religieux par lequel le propriétaire d’un Alata et son clan affichaient et gagnaient le pouvoir et le contrôle. Les Lau ne considéraient pas que leur système des Alata fût une gestion en soi, avec le concept standard de la conservation. Pourtant, en termes courants de gestion, cela consistait à limiter l'effort de pêche comme un corollaire de leur sens culturel du pouvoir. Ainsi, les Lau ont utilisé le système pour stocker le poisson en échange de richesse / d’événement, ou pour obtenir des largesses politiques à travers l'octroi d'autorisation de pêche à d'autres clans.


 

La pêche dans le passage des Alata avant la Seconde Guerre mondiale

Le propriétaire du filet devait organiser les membres de son clan dans les deux grandes pirogues - typiquement pour 20 hommes - qui portaient le filet géant. Les petites pirogues étaient autorisées à participer et à former la flottille. Un grand canot laissait le filet à mi-chemin, puis passait le reste du filet à l'autre canot. Comme les deux grandes pirogues encerclait l’Alata, quelques hommes sautaient à l’eau à chaque extrémité du filet et faisaient le rapport sur la qualité des poissons dans le filet.

Une capture du grand filet était assez importante pour remplir les pirogues de 10 hommes. Le propriétaire du filet divisait les captures. Ceux qui étaient sur le récif avaient la plus grande partie du poisson, bien que l'abondance fût partagée avec toutes les familles du village. Excepté la dangereuse orphie, une fois qu’un poisson était retiré du filet et feuilletait à l'intérieur d'un canot, il était interdit de le réclamer. De retour au village, chaque pêcheur apportait quelques poissons au Tohi - maison de prière - où ils grillaient les plus petits et faisaient bouillir les plus grands en guise de sacrifice aux esprits, y compris Jésus qui conduit les ancêtres une fois missionnés par les anglicans. Indépendamment des clans, tous les hommes du village pourraient participer à l'offrande, mais pas les femmes. Ensuite le propriétaire du filet divisait la prise restante non cuite.

Depuis les années 1930, la population relativement faible de Fanalei ne pouvait posséder et exploiter qu’un grand filet coutumier à la fois, tandis que Walande avait assez d'hommes pour en exploiter deux. Les filets coutumiers étaient faits d'écorce intérieure et il y a fallu plusieurs années pour faire les lignes et nœuds du maillage. Pourtant, le filet massif a pris tout juste un an. La propriété de filets à Fanalei fait la rotation d'un clan à l'autre, tous les clans participant à la propriété de filets. Fanalei lâche son grand filet environ quatre fois par an pour les fêtes. Le propriétaire du filet voulant pêcher dans un Alata particulier, doit demander la permission au «propriétaire» de l’Alata et payer une brasse de coquilles rouges ou promettre à la femme du propriétaire une grande part de la capture qu'elle pourrait commercialiser. Les habitants Bush - qui pêchaient eux-mêmes en 1980 – se faisaient la concurrence entre eux sur les poissons frais ou la chair de dauphin qui se vendaient sur les marchés des passages du continent. Les Bush "chantaient" à l'arrivée des femmes Saltwater pagayant dans leurs canots chargés de captures. Aussi bien les hommes que les femmes Bush échangeaient avec impatience leurs produits de jardin et de la brousse contre le poisson.


La compétition de Pêche Saltwater-Bush sur le passage

Lorsque les ancêtres Lau de Fanalei et de Walande ont découvert le passage protégé et réclamé  ses récifs riches pour leurs Alata, un habitant «Bush» de Sa’a a contesté cela. La culture «Bush» était axée sur le jardinage dans les collines arquées du Passage. Les collines ont également permis un degré de sécurité face aux raids des Lau. Les «Saltwater» étaient des combattants notoires et ont profité des négriers au milieu du XIXe siècle - commerçants coloniaux des plantations emportant les gens dans les Fidji et en Australie - pour gagner des fusils et autres marchandises, en livrant les «Bush» aux commerçants. Longtemps après que le gouvernement colonial soit bien en place et que la Pax Britannica régnait, les Lau conservaient fièrement leur réputation féroce. Même qu’à la veille de l'indépendance, les Lau se vantaient de leurs prouesses sur le peuple «Bush» qui assidûment continuait d’éviter de pêcher à l'intérieur du passage.

Lors de ma première excursion à Fanalei en 1973, j’ai adoré pagayer à travers le passage et la plongée en apnée dans les récifs peu profonds, et je n’ai pas vu les Sa'a pêcher. Occasionnellement, un «Bush» est venu se joindre à une équipe Lau de pêche au filet, mais c’était uniquement les Lau qui organisaient culturellement la pêche au filet autour de l'Alata. D'ailleurs, les habitants «Bush» manquaient même de petites pirogues pour la pêche individuelle au filet maillant, la plongée ou la pêche à la ligne à l'intérieur du passage. Quand un clan «Bush» voulait du poisson pour une fête, il venait demander au chef de Fanalei d'envoyer une équipe pour pêcher pour eux dans une de ses Alata. Le clan «Bush» qui a fait la demande disposait de la plus grande part de la capture, le reste étant divisé au sein de l'équipe. Lorsqu’ ils étaient liés par affinité aux Fanalei - mariages mixtes avec communauté des biens, ils pouvaient réciproquement offrir des produits maraichers en échange. Sinon, ils devaient se présenter au chef avec un une brasse d'argent rouge, ou des dents de marsouins, ou même de l'argent à titre de compensation.

Vers 1975, la pression démographique sur les terres avait atteint un point où les hommes «Bush» individuels ont osés s’aventurer dans le passage pour leur subsistance. Ce fut le début de la première compétition marine de ressources entre les Lau et les Sa'a, à l'intérieur du passage.

À la fin des années 1970, quelques hommes «Bush» transformaient leurs arbres en pirogues pour leur propre usage. La tension sur les droits de pêche dans le passage a marqué la perte de la domination des Lau. Terribles aux yeux des Lau, les «Bush» tout au long du passage commençaient à réclamer des droits de pêche officiels à la Cour destinée à l’écoute des cas de contestations fonciers marins et terrestres. Dans la Cour dédiée, les clans peuvent prouver la propriété en citant des histoires de combats de Ramo.

Les Lau ont rejeté publiquement l'idée d’avoir à payer une compensation aux clans «Bush» pour une utilisation marine. Attirant l'attention sur la perte de leur pouvoir de contrôler les eaux du passage avec des émotions contradictoires, des Lau m’ont dit que cela marquait le début de la «fraternité enseignée par l'Eglise». La plupart des Lau, était cependant en colère car les «Bush» pourraient cesser de craindre et respecter les guerriers Lau.

Vers le milieu des années 1980, les pêcheurs «Bush» ont continué d'augmenter. J’ai pu comparer le pourcentage de pirogues Sa'a contre les Lau à l'intérieur du passage au cours d’un samedi - le jour pour garantir le poisson du dimanche. L'église anglicane Fanalei interdit tout travail le dimanche, y compris la pêche au harpon lors des pique-niques. Ainsi, sur un temps calme de samedi, les pêcheurs Lau ont quitté le Passage loin derrière, allant jusqu'à la mer. Il y avait plus de Sa'a que de Lau qui pêchaient à l'intérieur du Passage durant ces samedis, encouragés par leur nombre.

Cela a atteint le point où les politiciens locaux sentaient qu'ils pouvaient gagner des voix en se joignant à la majorité Sa'a «Bush». Lors des élections parlementaires du Sud de Malaita en 1986, les candidats en campagne dans les villages «Bush» ont même promis qu'ils allaient reprendre le contrôle du passage des Lau et rapatrier les Lau au nord de Malaita.

Comme la croissance de la population a bondi au-delà de la capacité de l'agriculture dans la forêt fragile, mince, et souillée sur le continent, la propriété foncière et les questions de droits sur les ressources marines sont montées au premier plan. Les clans de terres pauvres, qu’ils soient «Bush» ou «Saltwater», ont été confrontés à une situation de subsistance serrée, se tournant vers la mer et la trésorerie. La pression démographique se reflétait dans le nombre croissant de cas judiciaires contestant les terres et le récif foncier.


«Nourrir les gens»

 

Posséder le filet coutumier de 120 pieds, c’était posséder simultanément le canot assez grand pour le transporter. Les chefs de village y compris le spécialiste / propriétaire du filet, doivent toujours posséder un aussi puissant canot. Toujours prisée, la pirogue géante imprègne le propriétaire avec des pouvoirs parallèles sur l’Alata et sur le filet en question consistant à «sauver les gens» et à «nourrir les gens».

Le canot géant a été crucial pendant les cyclones, la guerre, et les périodes de maladie pour mettre les gens en sécurité. Il transporte les morts au cimetière du continent. Et pour les insulaires, un peu comme un camion dans le monde des routes, il exerce des fonctions essentielles telles que les transports lourds des poteaux de maison, de gros porcs, de fûts de 30 gallons de carburant, et de sacs de 50 kg de riz et de farine. Lorsque les gens doivent voyager en groupe, ils se tournent vers ce propriétaire de canot qui gagne un prestige politique, des alliances, et peut-être une indemnisation directe pour avoir permis le transport des gens.

Un canot géant nécessitait un arbre massif, trouvé soit sur les terres de clans en pleine croissance, soit en le rachetant à un autre clan. Il fallait ensuite être capable d'organiser le travail de la première creuse et ensuite transporter le navire géant rugueux au bord de la mer, un processus qui peut prendre jusqu'à deux jours, en fonction de la distance de l'arbre aux collines, des compétences du groupe, et des marées.

La concurrence sur les ressources en raison de la surpopulation inclut la concurrence sur les énormes arbres de plus en plus rares. Là où les pluies de forêts diminuaient dans les années 1970, des images satellite de Google Earth de 2014 montrent une terre rouge fragile. Le clan principal de Fanalei possède plus de terres, ainsi que d’Alata, que les autres clans, de sorte à garder le contrôle de la production. Parallèlement à l’occupation marine, les membres du clan doivent empêcher les autres d'abattre des arbres et de jardiner sur leurs terres sans en demander la permission coutumière.


Histoire du dernier Ramo et sa montée en puissance grâce au canot géant

En 1988, Kumuli était le dernier Ramo de la dernière génération du principal clan de Fanalei pouvant créer un Ramo, en demandant l’héritage de la propension ainsi que l'initiation coutumière. Kumuli cherche à construire son prestige politique dans le passage à travers les canaux coutumiers destinés à «sauver les gens» avec sa nouvelle pirogue énorme pour laquelle il a acheté un des rares moteurs hors-bords.

Bien que l'autre clan doit obéir aux ordres de Kumuli pour des raisons de droits fonciers, ils contourne ses plans par l'achat de l'une des grandes pirogues en fibre de verre du nouveau programme de renforcement des canots en fibre de verre du gouvernement. La fibre de verre – tout comme le nylon pour les filets - ouvre une trésorerie pour atteindre la puissance via la propriété. Peu de gens dans les clans des terres pauvres peuvent se permettre le prix de 2000 $ pour ce produit alternatif pour posséder des arbres géants, mais plusieurs enseignants salariés du village peuvent acheter ces canots modernes alternatifs.

La conception, cependant, est une fibre de verre orange avec des caractéristiques totalement incompatibles avec le pagayage et la pêche au filet. Comparé aux pirogues qui ont la souplesse nécessaire pour être soit à rame ou à moteur, le canot en fibre de verre a besoin d'un moteur hors-bord. Dans certains endroits, les hors-bords se cassent perpétuellement dans l’environnement du passage du récif qui a un entretien minimal, cela constitue un sérieux handicap. Les mécaniciens et les pièces sont rares, de sorte que la plupart des moteurs restent hors service pendant de longues périodes. Kumuli est ironiquement l'un des rares villageois formés en tant que mécanicien pendant ses années loin de la maison.

Lorsque leur moteur est en marche, les canots de fibre de verre peuvent apporter des récompenses politiques et financières pour le propriétaire qui s’engage sur toutes les tâches de services sociaux pour «sauver les gens». Sauf pour la pêche au filet dans les Alata, les canots en fibre de verre dissocient l'acte de «sauver les gens» de l'acte ou du fait d'être dans un clan dominant de la terre riche. Les canots en fibre de verre et les filets en nylon proviennent de la trésorerie de la « civilisation » sociale, politique et économique, diminuant le pouvoir de posséder un Alata et un terrain avec des arbres géants.


Échange des filets en fibre coutumiers contre des filets-voleurs européens

Les spécialistes /propriétaires de filets traditionnels, possédant également les canots géants nécessaires, étaient connus pour «sauver la vie des gens» et «nourrir les gens», et régnaient avec une main de fer pendant les jours de guerre. Après la seconde guerre mondiale, la population relativement faible de Fanalei ne pouvait posséder et exploiter qu’un grand filet coutumier à la fois, comparé à la population plus dense de Walande avec deux filets à l'extrémité nord du Passage sur leur propre Alata. Le dernier filet de fibre fait à la main de Fanalei pourrit vers 1960. L'intérêt s’est éloigné de démonstrations de la richesse à travers les fêtes - qui exigeaient de grandes captures de poissons. Au cours de la décennie suivante, les gens se sont de plus en plus concentrés sur les activités de trésorerie individuelles (la production de coprah et de porc par exemple), même si l'argent finissait partagée au sein du clan.

Les filets maillés en nylon ont été introduits par le Département des pêches dans les années 1970 et les Lau «Saltwater» étaient impatients de les avoir. Les Lau les surnommaient «filets-voleurs européens» parce qu'ils pouvaient se faufiler entre les poissons du récif et les voler. Ils espéraient que ces filets fabriqués puissent avoir la puissance européenne parallèlement à la puissance coloniale, et soient optimales et efficaces, presque comme par magie. Les «filets-voleurs européens» sont considérés comme étant relativement invisibles sous l'eau, en plus d'être plus résistants, plus solides et donc se brisant moins fréquemment, et rendent possible la pêche plus constante avec une durée de vie beaucoup plus longue que celle d’un filet en fibre «Bush».

En 1974, lorsque le Fonds du village Fanalei dirigé par le chef a acheté un des nouveaux filets en nylon du Département des pêches, les habitants ont critiqué sa forme rectangulaire. Les anciens spécialistes/propriétaires de filets de Fanalei se sont donc mis à retravailler le filet en nylon pour lui donner l’aspect du filet coutumier. Encouragés par les sermons anglicans sur l'unité, les villageois Fanalei ont essayé une nouvelle approche, pour en faire le filet en nylon du village acheté avec des fonds du village et imprégné de puissance européenne. Le nouveau filet en nylon, a cependant échoué en se désintégrant, puisque personne n’avait la responsabilité de s’en occuper. Il avait manqué de surveillance contrairement à un filet coutumier qui a toujours eu un spécialiste / propriétaire désigné dont le prestige et le pouvoir dépendent directement de sa connaissance coutumière et sa discrétion.

Chacun a d'abord considéré le grand filet en nylon indépendamment de la coutume, puisque n’ayant pas besoin d’esprits de pêche ou de spécialistes / propriétaires. Pourtant, en voyant échouer ce filet en nylon, ils ont essayé rapidement de l'incorporer dans la coutume. Le chef affecta un spécialiste / propriétaire, qui est resté le spécialiste / propriétaire des grands filets en nylon de Fanalei qui ont suivi. Plus important encore, l’oiseau-flotteur sacré imprégnant la puissance spirituelle qui marque traditionnellement le ventre central du filet coutumier dans l’eau, a commencé à être utilisé avec le filet en nylon pour plus de puissance. Par conséquent, de manière satisfaisante, ils ont fusionné le filet-voleur européen avec toutes les forces importantes du spécialiste / propriétaire de filet, gardien des esprits locaux.


 

Le clan principal de Fanalei et ses élites nationales salariées

Depuis le début du colonialisme et de l'économie monétaire, le clan principal de Fanalei s’est lui-même aligné aux pouvoirs économiques et politiques de l'extérieur. Ils ont commencé à aider les nouveaux agents de district de patrouilles britanniques qui ont préféré recruter des clans puissants. Un nombre disproportionné d'enfants du clan principal sont partis dans des pensionnats anglicans pour apprendre les nouvelles façons d’accéder au pouvoir. Par conséquent, à la fin des années 1980, presque toutes les élites nationales salariées de Fanalei provenaient du clan principal.

Comme principales sources de trésorerie, crédit et biens, les élites ont une influence directe sur leur chef qui est en charge des alliances locales politiques des clans. Grâce à la trésorerie et à l'accès au crédit, les membres du clan principal peuvent continuer à acquérir des terres et élargir leur base de pouvoir, en consolidant des alliances. De cette manière, le système des Ramo des temps modernes se perpétue. Ces membres entreprenants achètent des terres pour la culture commerciale de coprah et l'élevage de porcs, en réinvestissant le bénéfice dans plus de terres, et en s’appuyant sur des amitiés locales et des alliances de luttes/politiques avec des clans «Bush», en plus de continuer à apporter de l’aide à travers les indemnisations dans le cadre des querelle. Les membres de l’élite nationale ont également été en mesure d'acheter des terres à partir de leur réseau national étendu d'alliances et d’amitiés, en se procurant de grandes étendues en dehors de petite Malaita (par exemple à Makira, SE de Solomons). Le contrôle permanent des terres ainsi que des Alata du clan principal de Fanalei a accentué la jalousie dans les autres clans du village.

Dans l'ensemble, les gens ont craint les tensions créées par l'accès à la trésorerie. Le concept de la richesse et la propriété individuelle «privée» accumulée ont été étrangers et le changement prend du temps. Les gens doivent partager pour garder l'honneur, le prestige et le pouvoir. Dans la création de dettes sociales utilisées pour les alliances, les gens sont considérés comme «généreux». Compte tenu de l'importance culturelle du partage de biens et du fait de ne pas les garder comme des biens personnels, une personne égoïste est carrément appelé «ordure » en pidgin. Dans la vie au village, personne ne souhaite élever ses possessions matérielles et/ou son niveau de vie au-dessus des autres. Dans la crainte de "jalousie", ils renoncent à se montrer avec une abondance matériels de luxe, tels que les matelas, les réchauds au propane, et les citernes en fibre de verre pour recueillir l'eau de pluie.

Sensible aux dangers des « entreprises jalouses» -le mauvais œil universel - ceux qui ont des emplois salariés à Honiara m'ont raconté comment ils se concentrent sur le message de l'Église anglicane d’appel à l'unité et au développement de la trésorerie du village, qui évite la concurrence entre les clans. Le clan principal espère promouvoir l'unité à travers le développement du village de sorte à limiter les rivalités inter-clans. Pourtant, ils souhaitent toujours maintenir leur pouvoir coutumier de «nourrir les gens» avec l’intention de s’accrocher au pouvoir et au respect. Cela devient difficile quand il s’agit de la gestion des ressources récifales, mais la gestion n’est pas à l'ordre du jour en ce moment.

Le clan principal et de ses élites nationales synchronisent des actions pour baisser la tension du village sur la disparité de trésorerie. Ils discutent des autres clans de Fanalei qui, ayant eu moins de chance qu'eux, sont pauvres en terres et de plus en plus en danger de famine puisque la pression démographique sur les ressources dans le Passage augmente. Souhaitant remédier à l'augmentation des jalousies internes, ils élaborent un plan pour mettre en place un Alata de pêche au filet dans une entreprise de trésorerie pour tout le monde à Fanalei. Ils espèrent pouvoir traduire la puissance coutumière consistant à «nourrir les gens » avec un canot géant et un filet, en langue moderne vernaculaire consistant à «nourrir les gens» grâce à une opportunité du village de vente des poissons d’un Alata.

À cette fin, l'élite nationale de Fanalei basée dans la capitale de Honiara à Guadalcanal a acheté au village un grand filet en nylon d’occasion avec de petites mailles illégales. Ils ont déplacé une grande glacière-Eski au quai d’Honiara et l’ont chargé sur le navire à destination de Malaita. Traversant dans la nuit, encerclant Malaita et retournant à Honiara, il fait ce voyage peut-être trois fois par mois. L'élite de Fanalei alertait son village de l’arrivée de la glacière en faisant une annonce publique sur le programme de soirée de la radio nationale. Autour de l'archipel, les villageois restaient à l'écoute des nouvelles du soir dans un monde antérieur aux téléphones cellulaires et à Internet. Leur population est encore relativement petite et les degrés de séparation sont assez faibles pour passer sur tout, des décès de la famille aux revues de navigation.

Ainsi prévenu, Fanalei se prépare à la pêche au filet dans l'Alata. Ils auront besoin d’au moins 50 kg de poisson pour remplir l’Eski et le remettre en route pour le marché au comptant. L'élite Fanalei le transporte sur le marché du poisson frais de la capitale où tout se vend facilement.

Cela semble tellement facile, sans prévoyance pour la surpêche des récifs. L’Alata a toujours donné des poissons. Personne ne prête attention à la fréquence accrue de la pêche sauvage. La trésorerie arrive à Fanalei comme prévu. Incarnant le pouvoir de «nourrir les gens», les élites nationales de Fanalei ont le sentiment de faire des largesses en mettant en place ce marché qui favorise le développement de trésorerie du village entier. Tout le monde pense que c’est un succès.


Passage Circa 1988

Avec une pêche constante, les tailles des poissons du récif des Alata diminuent rapidement. La glacière n’est pas encore prévue sur le passage de Port Adam, où un groupe, moi y compris, pagayent dans de petites pirogues, à la suite de la grande pirogue du propriétaire / spécialiste de filet portant le grand filet en nylon à petites mailles. Il nous conduit à la première des nombreuses Alata qu'il a choisis pour la collecte d'aujourd'hui. Il se rend compte qu'il faudra plus d'un site afin d’en capturer assez pour nourrir les villageois, l'objectif d'aujourd'hui.

Dans la première Alata, la plupart des hommes ont sauté dans l'eau, se déplaçant et agitant leurs jambes et par inadvertance ont cassé les coraux dans les endroits les plus profonds pendant qu’ils essayaient de garder la tête hors de l'eau. Ils ancrèrent le filer avec le nito - la corde attachée à une pierre qui maintient le filet vers le bas. Et l'oiseau-flotteur spirituel est mis en place pour marquer l'endroit. Ardemment, ils arrangent le filet et tirent des deux côtés pour entourer l’Alata. Puis tout le monde rapproche lentement les parois du filet vers un cercle se refermant autour des poissons frénétiques.

De retour à la plage, la capture est «répartie» en tas, un pour chaque personne ayant tiré le filet. Le spécialiste / propriétaire supervise la distribution des tas, attribuant des tailles, types et nombres de poisson plus ou moins équivalents. Le spécialiste / propriétaire du filet s’attribue une part plus importante. La part moyenne a chuté à quatre kilos de poissons, comme aujourd'hui.

Un petit garçon et une fille sont accroupis dans le sable mouillé près des gens effectuant le déchargement des pirogues. Ils jouent à la distribution du poisson, en organisant soigneusement les petits poissons brillants en rangées pendant que leurs parents négocient des tailles comestibles.

Les villageois sacrifient volontiers ces bébés poissons qui ne peuvent pas échapper à la maille. Ils voient littéralement la façon dont un quart de leur capture se serait échappée à travers le passage à un filet avec de plus grandes mailles. Le Département des pêches vend des filets en nylon de différentes tailles de mailles légales, mais les règles sur la taille des mailles ne sont pas appliquées. Les Lau ne se rendent pas compte que leur maillage risque de décimer les populations du récif des Alata. Ils n’envisagent pas non plus de limiter la pêche au filet dans les Alata, compte tenu de l'attrait d'argent de la glacière. Par ailleurs, les Lau ont d'autres explications pour l’effondrement de la pêche. Ils insistent sur le fait qu'il n'y a absolument aucun lien entre l'effort de pêche en hausse et les captures en baisse.

La surpêche ne fait pas partie de leurs concepts. Les perspectives locales sur les causes de l'échec actuel des captures sont axées sur les pouvoirs coutumiers politiques, religieux et sociaux intégrés dans le système des Alata. Les Lau peuvent exiger aux pouvoirs spirituels du filet en nylon et des Alata, d’expliquer les prises maigres.

Ils sont des croyants dévoués de Jésus qui réside à la tête de leur panthéon d’ancêtres et d’esprits. Comme dans la chasse au dauphin, ils blâment les individus parmi eux qui peuvent offenser tous les esprits importants pouvant apporter du poisson. Bien sûr, les Lau condamnent leurs rivaux «Bush» pour atteinte à la capture. Ils m’ont raconté comment les hommes «bush» font la pêche quotidienne à l'intérieur du passage, effrayant les esprits et les poissons du récif dans des endroits plus profonds.

À Honiara, j’ai discuté de la gestion et du potentiel du système des Alata avec le haut fonctionnaire des pêches britanniques. Il m’a dit : «Le Département des pêches se rend compte qu'il y a beaucoup de pratiques de pêche du village avec des maillages illégaux. Et nous savons que les villageois ne laissent pas de temps pour la récupération des récifs. Mais nous manquons de fonds pour une mission de gestion et d'exécution. »

Sa solution, tout comme la pêche, est aussi prévisible que la situation de pêche au filet du récif. Les activités de pêche vont miser sur un modèle économique de rendements décroissants qui s’appuie sur une solution de marché automatique. Il prédit : «Les villageois arrêteront la surpêche une fois qu'ils ne pourront plus assez remplir la glacière pour la rendre économiquement viable afin de l’envoyer à Fanalei.»

La gestion du récif qui compte sur un crash économique pour contrôler la pêche, est un modèle commun dans le monde entier. Pourtant, il est simpliste, manquant de confiance dans le développement de l’implication des citoyens à l'autogestion. C’est particulièrement le cas où le contrôle du récif des Alata existe déjà, ancré dans la culture de la pêche.

Les élites nationales de Fanalei, pour leur part, ne parlent pas de la conservation des récifs ou des plans de gestion de leurs Alata, sans parler de l'approche des conseils de pêche. Ils ne veulent pas débattre sur la fragilité des écosystèmes récifaux et la durabilité, même si quelques-uns d'entre eux comprennent déjà intellectuellement les concepts de l'écologie marine. Au contraire, comme un clan d'élites, ils se retournent et demandent à leur chef en tant que gardien de l’Alata, d'intervenir et de rétablir les droits du récif et l’Adi pour la survie des récifs. A l'aise à Fanalei, les villageois écartent toutes conséquences écologiques de leur pêche intensive pour obtenir de l'argent au sein de l’Alata.

À ce stade, personne n’envisage comment utiliser le système des Alata pour la conservation et la gestion des récifs puisque les stocks diminuent et semblent disparaître.

Maintenant la pratique de la pêche hautement destructrice des filets de pêche en maille se répand à l'intérieur du passage avec l'utilisation de petits filets individuels maillés en nylon. Les Lau achètent ces filets à petites mailles illégales d'occasion en provenance d'autres villages. Ils commencent à mettre en place ces petits filets tout autour du Passage, mais en dehors des Alata. Ces «filets-voleurs européens» sont un nouveau facteur causal de la baisse des captures du récif et sont à l'origine d'importants changements sociaux en raison de leur faible coût et leur facilité d'utilisation en solo en dehors du système coutumier des Alata.

Un homme peut régler son propre filet maillant, l'ancrer, et plus tard le transporter lui-même. Même une personne relativement pauvre est en mesure d'en acheter un d'occasion pour sa famille nucléaire. En tant que propriétaire du filet, il peut le placer presque n’importe où sur le passage, sauf dans un Alata, sans compétence particulière ou permission. D'autres en dehors de sa famille nucléaire, empruntent le filet maillant en échange d'une part de la capture, en le laissant actif dans l'eau, piégeant aléatoirement des poissons par leurs branchies.

Le propriétaire peut laisser son filet maillant ancré sur un récif pendant plus d’une nuit. Lui et éventuellement les membres de sa belle-famille, y compris les enfants peuvent pagayer, enfiler des lunettes pour remonter la prise, et laisser le filet sur place lorsqu’il semble productif.

A Malaita, le sang des femmes provenant de l’accouchement et des cycles menstruelles contient une force coutumière écrasante qui nuit aux esprits, en particulier ceux qui apportent le poisson. Notez que les ethnographes de cultures européennes et américaines dominées par les hommes ont commencé à appeler les phénomènes mondiaux féminins par «pollution». Cependant, il est important de changer le jargon et l'accent. Le «pouvoir» des femmes est une manière beaucoup plus précise de recadrer le phénomène puisqu’il est fondé sur la peur coutumière des pouvoirs spirituels du sang de procréation des femmes plutôt que sur le fait qu’il soit conçu comme sale/infect.

Les pouvoirs de procréation des femmes ne peuvent pas nuire à l'efficacité des filets maillants en nylon non traditionnels qui sont en dehors de l'influence des dons et esprits coutumiers, et sont perçus comme des filets de collecte de nourriture plutôt que des filets de pêche. Le nouveau filet maillant est étiqueté «collecte» au lieu de pêche, la collecte de nourriture classique étant pratiquée par les femmes et les filles célibataires qui cherchent des crustacés et des poulpes.

Compte tenu du pouvoir des femmes, il était tabou pour les femmes de faire de la pêche au filet, ou de pêcher avec le grand filet en nylon qui est stocké avec l'esprit oiseau. Pourtant, comme l'Alata donne moins de poissons, les jeunes femmes célibataires, comme moi, sont autorisées à rejoindre les équipes de filet s’il n'y a pas assez d'hommes. Dans l'ensemble, il y a plus de flexibilité pour les femmes célibataires à participer lorsque l'équipe rétrécit et que les esprits ne sont pas présents.


 

L’Adi et son potentiel pour la gestion des Alata implicant tous

La collecte de coquillages pour la subsistance qui règne le long des rives de mangroves de l'île Fanalei et du passage n’est pas contrôlée par les Adi. Les mangroves ont toujours été laissées aux femmes et filles ramassant des coquillages comestibles. Elles ramassent les trois meilleurs types d’huîtres et de palourdes comestibles qui poussent autour de racines aériennes. Les femmes Lau commercialisent ces coquillages aux femmes «Bush» contre des tubercules tels que l'igname et le taro.

L’arrivée des lunettes de plongée vers 1925, a permis aux gens de voir et de récolter efficacement sous l’eau. L'introduction de la technologie des lunettes coïncidait avec la demande du marché international pré-Seconde Guerre mondiale de coquilles de nacres, ce qui attira les acheteurs chinois et allemands dans les îles Salomon. Les Lau du passage Port Adam, contrairement à leurs parents Lau du nord, étaient motivés par l'argent et ont imposé un Adi pour les coquilles de nacres commercialisables, tout en mettant fin à l’Adi pour la pêche au filet.

Le chef Fanalei en tant que gardien de l’Alata exige encore un Adi pour les coquilles de nacres pour constituer des stocks et des droits de réserve de cette valeur au comptant. Contrairement aux poissons, les coquilles de nacres sont non-périssables et simples à stocker pour la vente. N’importe qui, provenant du clan principal ou non, peut demander au chef de lui accorder le droit d’être un créateur d’Adi. Homme et femme peuvent être créateurs d’un Adi puisque les hommes et les femmes «Saltwater» peuvent ramasser les coquilles.

L’arrivée des lunettes de plongée vers 1925, a permis aux gens de voir et de récolter efficacement sous l’eau. L'introduction de la technologie des lunettes coïncidait avec la demande du marché international pré-Seconde Guerre mondiale de coquilles de nacres, ce qui attira les acheteurs chinois et allemands dans les îles Salomon. Les Lau du passage Port Adam, contrairement à leurs parents Lau du nord, étaient motivés par l'argent et ont imposé un Adi pour les coquilles de nacres commercialisables, tout en mettant fin à l’Adi pour la pêche au filet.

Le chef Fanalei en tant que gardien de l’Alata exige encore un Adi pour les coquilles de nacres pour constituer des stocks et des droits de réserve de cette valeur au comptant. Contrairement aux poissons, les coquilles de nacres sont non-périssables et simples à stocker pour la vente. N’ importe qui, provenant du clan principal ou non, peut demander au chef de lui accorder le droit d’être un créateur d’Adi. Homme et femme peuvent être créateurs d’un Adi puisque hommes et femmes «Saltwater» peuvent ramasser les coquilles.

Pour commencer l'interdiction, le créateur de l’Adi met un bâton sur le récif et fait savoir à tout le monde quels types de coquilles et autres animaux marins sont inclus dans l’Adi, et déclare combien de temps durera l'interdiction. Mais en raison de l'introduction de lampes de poche étanches pour la plongée de nuit, le braconnage d’Adi a augmenté et est devenu un problème.

Lorsque l’Adi est terminé, le créateur annonce le jour d'ouverture de la récolte. Si le créateur de l’Adi n’est pas du clan propriétaire de l'Alata, il peut l’accompagner sur ce premier jour en guise de paiement de compensation. Toute autre personne qui souhaite une part, offre deux jours de travail au créateur de l’Adi, avec la récolte du troisième jour en guise de paiement. Il y a toujours des plongeurs qui recueillent avec moins de diligence afin d'avoir plus de récolte pour eux-mêmes à la fin.

La transition de Fanalei vers la pêche au filet hebdomadaire intense s’est alignée avec les pratiques du village depuis leur Adi pour la fin de la pêche au filet avant la Seconde Guerre mondiale. Cela a laissé les poissons du récif des Alata sans aucune interdiction de stocks de récupération/ conservation. Si les propriétaires des Alata de Fanalei étaient pour la réintroduction d’un Adi pour la trésorerie de la pêche au filet, les villageois pourraient facilement réincorporer la logique culturelle de leurs Adi.


Conclusion: la conservation des récifs implicant tous

Le système des Alata a incarné un nœud de relations de pouvoir technologique, social, religieux, économique et politique. Avec la civilisation de la nation moderne et indépendante, la culture Lau et son système des Alata sont en train de perdre les relations coutumières. La trésorerie de la pêche au filet pour la glacière rend les Alata inefficace à la conservation des ressources.

Pendant ce temps, la pêche au filet maillant par des individus avec leurs propres filets en nylon à petites mailles bon marché se répand dans le Passage. Les pêcheurs Fanalei ont attendu avec impatience ces petits filets maillants, suivant l'intérêt des élites nationales de Fanalei à apporter plus d'argent dans le village en promouvant la pêche au filet. Cependant, cette nouvelle technique de pêche destructive ne relève pas du domaine du système des Alata.

Le clan principal de Fanalei, propriétaire d’Alata et de terrains avec des arbres géants, obtient à travers des membres de l'élite nationale, des accès à des liquidités et crédits, à la différence des autres clans. Ils visent à réduire le risque de jalousie des autres clans. Ils ont donc partagé leurs ressources et certains pouvoirs acquis à travers l’acte de «nourrir les gens».

Du fait que le plan de leur clan pour la trésorerie de la pêche au filet à l’intérieur de l’Alata ne soit pas viable, ils ont toujours la possibilité de relancer l'Adi pour la pêche au filet - en parallèle à l’Adi pour collecter les coquilles - et mettre la pêche au filet de l’Alata sous contrôle local. Malheureusement, le nombre croissant de filets maillants individuels est au-delà de la portée du système coutumier des Alata. Cela pourrait limiter l'efficacité potentielle pour sauver les stocks du Passage du récif en réintroduisant un Adi pour la pêche au filet dans les Alata. 

Les récifs tout autour du Passage s’épuisent, la population est en hausse, et les conflits de pêche «Saltwater»-«Bush» augmentent. Mais Fanalei étant un village sous le contrôle d’un chef- au lieu d'accorder des largesses au nom du clan principal - pourrait éventuellement réinventer l'utilisation des Adi sur le passage. Fanalei pourrait intégrer des interdictions sur tous les filets-voleurs européens, grandes et petites, collectifs et individuels, à l'intérieur et à l'extérieur des Alata. Il faudrait pour cela des méthodes coutumières créatives de constitution et de contrôle des Lau de Walande et de la population croissante des pêcheurs «Bush» de Sa’a qui sont de plus en plus agressifs.

Une trésorerie de pêche durable du village, utilisant des Adi devrait être axée autour d'un nouveau contrôle local du Passage. Le succès nécessitera l’implication de tous les clans du village des Lau dans les décisions pour les interdictions de conservation et le partage des récoltes. Les Adi sur le passage peuvent obtenir la coopération et le respect si tous les clans sont persuadés que les Adi constituent des avantages pour leur bien-être économique, politique et social. La domination et l'intimidation des Ramo sont terminées.

Notez que la gestion en tant que concept et construction de la pêche dans les îles Salomon a été hiérarchique, sans application des règlementations comme la taille des mailles, s’appuyant sur des solutions économiques pour maîtriser la pêche dans le récif, comme à Fanalei. Jusqu'à présent, il n’y a eu aucun effort à l’intégration des croyances locales et de l'organisation sociale.

Des experts externes et les gestionnaires des ressources détiennent des notions sur les gens «traditionnels» et leurs pratiques de conservation. Beaucoup ont supposé que les pêcheurs locaux finiront par gérer leurs ressources pour la durabilité à long terme, si on les laisse à eux-mêmes mettre en place un système populaire de gestion, sans argent comptant pour les inciter à la surpêche.

Des questions critiques découlant de ces hypothèses nécessitent une profonde compréhension ethnographique. D'abord, nous reconnaissons qu'un système de régime coutumier n’est pas conçu localement tel que la gestion avec les concepts biologiques concomitants de cause à effet de la surpêche. Ensuite, nous cherchons des moyens d'encourager les habitants à travailler au sein de leur système coutumier reconnu. Le système des Alata, bien qu’inconscient, est comme un système de gestion qui peut encore contrôler l'accès aux ressources récifales locales, et pourrait même être étendu pour assurer la récupération des récifs. Le fait que les îles partagent les concepts biologiques des gestionnaires nationaux, sur la pêche intensive dans le récif provoquant la surexploitation - cause et effet biologiques - peut ne pas être impératif pour une gestion réussie. Les insulaires de Fanalei détiennent d'autres concepts pour la fécondité du récif dans un monde qui possède des esprits et rivalités pour rendre compte. Ce qui importe c’est la manière d’encourager les hiérarchies locales à utiliser leurs propres systèmes coutumiers de contrôle des récifs pour organiser et partager la conservation implicant tous et ses bénéfices.