Prévue de longue date pour préparer la conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC3) en juin à Nice (France), la toute première conférence nationale allemande sur l’océan s’est tenue au moment de la transition entre les gouvernements. Plus de 400 participants se sont réunis dans le confortable centre événementiel Berlin Westhafen, répondant à l’invitation à mieux faire connaître l’océan et la protection marine en général. La représentation politique allait des maires locaux aux représentants des Länder, en passant par le gouvernement fédéral et les agences nationales. Un grand nombre de chercheurs chevronnés et de représentants d’associations industrielles étaient présents, de même que de nombreux participants issus de la société civile et d’organisations de protection de la nature.

La première matinée a été consacrée au discours politique. La ministre de l’environnement sortante, Steffi Lemke, a passé en revue les nombreux points critiques en matière de protection de la nature sur lesquels elle et son équipe ont travaillé pendant son mandat, tant au niveau national qu’international. Alors que les défis en cours ne manquent pas à l’ordre du jour, comme l’achèvement, espérons-le, du traité mondial contraignant sur le plastique qui doit être conclu à Genève au cours de l’été, elle a mentionné un certain nombre de réalisations qui montrent que des progrès sont possibles, même face aux nombreux obstacles. Elle a notamment mentionné:

  • plus de zones protégées et apaisées dans les eaux sous juridiction nationale;
  • 3,5 milliards d’euros alloués à la réhabilitation des puits de CO2, y compris des moyens financiers pour le fonds de protection de la mer (Meeresschutzfonds) provenant de la vente aux enchères de permis d’exploitation d’éoliennes en mer;
  • La cartographie des 1,3 million de tonnes de munitions coulées dans la Baltique après la Seconde Guerre mondiale et la sécurisation des rejets en vue d’une mise à l’échelle afin d’éliminer cette menace pour les personnes, les écosystèmes et les installations;
  • l’accord de l’Organisation maritime internationale (OMI) sur un programme de réduction des émissions jusqu’en 2050;
  • la participation à un front de 32 gouvernements nationaux plaidant pour un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes dans le cadre de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), une position également maintenue par les partis formant le nouveau gouvernement.

La ministre de l’Environnement sortante, Steffi Lemke, reçoit des fleurs de l’envoyé spécial pour la protection du milieu marin, Sebastian Unger.

Elle a également évoqué les questions en suspens, dont notamment :

  • l’abandon général des combustibles fossiles au profit de sources d’énergie renouvelable, l’accent étant mis en particulier sur l’arrêt de la production de pétrole et de gaz dans les zones sensibles du point de vue de l’environnement;
  • l’importance de la protection de l’océan et de la nature en tant qu’élément clé de la sécurité;
  • si la ratification du traité BBNJ de la haute mer n’a pas été possible pour l’UNOC3 en raison du changement de législature, le nouveau gouvernement a déjà fait savoir qu’il ferait avancer la ratification en priorité.

Mme Lemke a été longuement applaudie pour son travail inlassable en tant que ministre de l’environnement et a salué Sebastian Unger, son envoyé spécial pour la protection de l’environnement marin, qui jouit également d’une grande estime.

L’ambassadeur Peter Thomson, envoyé spécial pour l’océan du secrétaire général des Nations unies, M. Guterres

L’ambassadeur Peter Thomson, envoyé spécial pour l’océan du secrétaire général des Nations unies, M. Guterres, a souligné l’urgence de ratifier le traité BBNJ ainsi que le besoin de développer des plans opérationnels sur la façon de mettre en œuvre l’engagement 30×30 – protégeant 30 % des océans d’ici 2030. Ces objectifs ne peuvent pas attendre l’entrée en vigueur officielle du traité. Les travaux de mise en œuvre de l’accord doivent s’accélérer rapidement. Il existe suffisamment d’informations scientifiques sur la manière d’avancer, selon le sommet d’Honiara, vers la réalisation de l’objectif de développement durable 14 (ODD 14), le plus sous-financé de tous les ODD, à savoir: mettre fin aux subventions nuisibles à la pêche, protéger plus de 70 % des ressources contre une nouvelle surpêche et rétablir la vie en mer, et accroître l’utilisation des sources d’énergie renouvelables.

Au lieu de nous diriger vers un réchauffement de 4°C et des perturbations climatiques encore plus dramatiques, nous sommes actuellement sur la trajectoire d’une augmentation de température de 2,6°C. Nous devons cependant redoubler d’efforts pour réduire les émissions et la circulation des matériaux et donner plus d’espace à la vie sur la planète. C’est essentiel pour mettre un terme au blanchiment et à la mort massive des coraux. C’est tout aussi essentiel pour les 900 millions d’êtres humains qui vivent dans des zones côtières gravement touchées par l’élévation du niveau de la mer, laquelle se produit plus rapidement que prévu.

Quels sont les trois principaux points du programme d’action ? L’élévation du niveau de la mer, le financement de l’ODD 14 et les efforts soutenus pour fournir des données scientifiques avec une résolution suffisante pour permettre la décision politique et l’action.

Il a conclu en espérant que le nouveau gouvernement jouera un rôle aussi solide dans la protection internationale de l’océan et de la nature que celui qu’il a joué jusqu’à présent. Il est extrêmement important de maintenir l’élan de la coopération multilatérale. Sur la voie de l’UNOC4, organisée conjointement par la Corée et le Chili en Corée en 2027, il reste encore beaucoup à faire pour traduire les paroles en actes.

Charles Tellier, délégué adjoint pour l’océan, France

Charles Tellier, délégué adjoint de la France pour l’océan, a fait valoir l’importance de l’attention politique accordée aux questions maritimes. L’objectif est de rendre opérationnels les engagements et de faire de la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan le point de référence de l’entrée en vigueur du traité BBNJ, avec 60 ratifications. Il a évoqué le pacte conclu entre 250 et 300 maires locaux représentant trois milliards de personnes, qui travaillent à sa mise en œuvre. Les éléments clés sont, par exemple, les connaissances locales étayées par la science, la recherche de nouvelles solutions qui profitent aux personnes et à la nature et la fin de la pollution plastique et des combustibles fossiles.

Trois demi-journées ont permis d’aborder des sujets à multiples facettes lors de séances plénières et d’ateliers de réflexion approfondie sur les thèmes suivants:

  • Des zones marines fortement protégées
  • Des mers saines et propres
  • La connaissance pour des mers saines
  • L’économie bleue en phase avec la nature
  • Une voix forte pour la protection du milieu marin.

Panel Protection de l’océan et du climat

L’enseignement le plus frappant, au-delà de l’excellente mise en réseau et des échanges d’expériences, est peut-être la nécessité d’une action accélérée. À maintes reprises, on a pu constater que la volonté générale était là, que l’information était disponible, que les technologies et les capacités organisationnelles institutionnelles étaient en place.

Pourtant, malgré toutes les déclarations des uns et des autres, très peu de choses avancent. Comment se fait-il qu’un terminal GNL soit approuvé et installé en un temps record dans le parc national du Waddensee, alors que certains ouvrent un nouveau débat sur l’abattage des cormorans et des phoques qui se nourrissent de « notre poisson » ?

La voix sobre d’Arved Fuchs, un chercheur polaire qui vit et travaille dans les régions froides depuis plus de 40 ans sur son voilier centenaire, mérite que l’on s’y attarde. Il a sèchement fait remarquer que son périple à pied jusqu’au pôle Nord, il y a quelques décennies, n’était tout simplement plus possible, car une grande partie de la glace a fondu entre-temps, alors que l’Arctique se réchauffait plusieurs fois plus vite que d’autres régions.

L’Homo sapiens, une seule espèce, s’approprie déjà plus de 30 % de toute la production énergétique et matérielle de la planète et pousse de plus en plus les autres formes de vie vers l’extinction. Cela vous fait-il réfléchir ? La quantité d’objets humains dépasse déjà le poids total de la vie végétale et animale sur la planète [1]. Joignez-vous à l’action et faites pression sur les gouvernements à tous les niveaux pour qu’ils nous mettent tous hors d’état de nuire ! Pas seulement en Allemagne. Il est urgent de mettre en place les mesures structurelles nécessaires pour mettre fin à la surconsommation comme condition pour que les populations du monde entier puissent satisfaire leurs besoins fondamentaux. Avec une coopération à tous les niveaux et une gestion partagée, nous pouvons mettre en œuvre l’ODD 14 et l’ensemble de l’Agenda 2030.

Les élèves engagés dans un projet artistique pour la protection de l’océan ont exigé une action rapide.

Bref résumé de Cornelia Nauen, qui a participé au nom de l’asbl Mundus maris. Traduction française de Christiane van Beveren.

[1] Elhacham, E., Ben-Uri, L., Grozovski, J. et al. Global human-made mass exceeds all living biomass. Nature 588, 442–444 (2020). https://doi.org/10.1038/s41586-020-3010-5