Make Fishing Fair (Rendre la Pêche Equitable) est une initiative menée par des artisans pêcheurs de toute l’Europe, sous l’égide de LIFE (Low Impact Fishers of Europe- Pêcheurs à faible impact d’Europe) et Blue Ventures. Elle bénéficie également du soutien de plusieurs organisations de la société civile engagées dans la préservation et la protection de la nature et dans la promotion de la justice sociale. L’initiative a rassemblé quelques 45 pêcheurs de 17 pays européens et leurs sympathisants lors d’une consultation qui s’est tenue le 17 novembre 2025 à Bruxelles.

En attendant l’arrivée du commissaire européen Costas Kadis, chargé de la pêche et des océans.

En préparation de l’événement, les pêcheurs avaient élaboré une feuille de route en vue d’instaurer une pêche équitable et soutenir les artisans pêcheurs (SSF), défavorisés presque partout. La situation désastreuse des ressources dans les eaux européennes, avec des captures tombées à 3,3 millions de tonnes en 2023, soit moins de la moitié de ce qu’elles étaient dix ans plus tôt selon EuroStat, est le résultat d’une politique financière axée sur la pêche industrielle, grande consommatrice de capitaux et d’énergie. Les États membres de l’UE n’ont pratiquement attribué aucun quota de pêche aux artisans pêcheurs à faible impact. Leurs débarquements ne représentent donc que moins de 10 % du total, mais génèrent au moins 50 % des emplois et 15 % de la valeur. Comme Mundus maris et d’autres l’ont souligné à maintes reprises au fil des ans : sans poissons, il n’y a pas de pêcheurs. Et sans surprise, le nombre d’artisans pêcheurs diminue, les retraités étant à peine remplacés par des jeunes hommes et femmes. Pourtant, nous savons tous que l’avenir de la pêche réside dans des engins sélectifs, passifs et à faible consommation d’énergie, et dans l’utilisation des connaissances écologiques sur le comportement des poissons afin de ne capturer que le nombre de poissons adultes pouvant se régénérer en un an, après avoir permis aux poissons et à l’ensemble des écosystèmes de retrouver leur productivité antérieure.

De gauche à droite : Gwen Pennarun (Association des pêcheurs de la Pointe de Bretagne et LIFE), Marta Cavallé (LIFE), Costas Kadis (commissaire européen chargé de la pêche et des océans), et Muireann Kavanagh (IIMRO) (photo gracieusement fournie par LIFE)

L’ Appel à l’Action des pêcheurs réclamait donc que les institutions européennes établissent un Plan pour la Pêche artisanale en Europe d’ici 2027. Ce plan doit intégrer les principes des recommendations Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale tel qu’adoptés par le Comité des pêches de la FAO en 2014.

Les principales mesures du plan approuvé par les institutions européennes et les États membres de l’UE devraient inclure les éléments suivants :

  • Reconstituer les stocks halieutiques sur la base de connaissances scientifiques approfondies et de savoirs traditionnels afin de rétablir la santé des écosystèmes.
  • Protéger la pêche artisanale (SSF) contre les secteurs concurrents de l’économie bleue ayant un impact important en leur garantissant un accès préférentiel dans les eaux territoriales, jusqu’à la zone des six milles et des douze milles nautiques, le cas échéant.
  • Appliquer des systèmes de cogestion adaptatifs dans toutes les zones côtières.
  • Garantir une répartition équitable des possibilités de pêche sur la base de critères sociaux, économiques et environnementaux.
  • Favoriser le renouvellement générationnel en supprimant les obstacles et en offrant des incitations, des formations, du mentorat et des moyens de subsistance décents aux jeunes pêcheurs.
  • Construire des communautés résilientes capables de s’adapter au changement climatique.
  • Garantir un accès équitable au soutien sectoriel et aux marchés.
  • Promouvoir l’égalité des sexes en reconnaissant la contribution des femmes et en leur garantissant une participation et des opportunités égales.

L’animateur Jeremy Percy et le Commissaire Costas Kadis

Le commissaire Kadis a reconnu les nombreux défis à relever, notamment la montée du niveau de la mer, la pression sur les ressources et bien d’autres encore, en particulier après avoir entendu le témoignage de Muireann Kavanagh, une jeune Irlandaise de 16 ans, qui a décrit les difficultés rencontrées, et celui de Gwen Pennarun, qui a évoqué la situation critique des pêcheurs à la ligne en Bretagne.

Il a déclaré qu’il n’existait pas de solution miracle, mais a suggéré que, si elle était correctement appliquée, la législation existante pourrait fonctionner. Il a fait part de son inquiétude face à la situation alarmante de la Baltique à la suite de la décision du Conseil de ne pas suivre les propositions de la Commission. Il a plaidé en faveur d’un consensus pour une réhabilitation prioritaire de la Baltique.

Il a également reconnu que 82 % de la flotte méditerranéenne était constituée de petits navires et que plus de 100 000 emplois devaient être préservés. Le Vademecum de la Commission sur l’attribution des quotas par les gouvernements nationaux, qui vient d’être publié, est assurément un moyen de maintenir l’engagement de toutes les parties. La prochaine réunion devrait permettre d’identifier les conditions favorables à la flotte artisanale de l’UE, qui compte plus de 40 000 navires de moins de 12 mètres. Un appel à témoignages allait être publié prochainement afin de préparer la loi sur l’Océan en 2026. C’est une occasion à ne pas manquer.

Plusieurs témoignages provenant de toute l’UE ont montré la diversité des situations et la créativité des efforts déployés pour trouver des solutions adaptées au contexte local, et pour faire revivre et moderniser le meilleur des traditions, pour autant que ces efforts ne soient pas anéantis par des obstacles politiques et privés du soutien financier nécessaire.

Le panel composé de représentants politiques et d’ONGs a répondu à une série de questions posées par le modérateur Jeremy Percy, démontrant hélas que les bonnes propositions et initiatives se heurtaient souvent à des obstacles. Il était presque incompréhensible que des initiatives profitables sur les plans technique, économique et social n’aient pas été soutenues. Comme l’a souligné Bellinda Bartolucci, conseillère juridique principale chez ClientEarth, il était décevant que la Commission, en tant que gardienne des traités, n’ait engagé aucune procédure d’infraction contre les États membres qui n’ont pas appliqué la législation existante pendant de longues périodes, non seulement la Politique Commune de la Pêche, mais aussi la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » et la directive « Habitats ».

Les riches discussions sur le large éventail d’expériences nationales et locales des artisans pêcheurs, les processus politiques et institutionnels et l’interaction avec des groupes plus diversifiés ont surtout montré une chose : malgré toutes leurs spécificités linguistiques, culturelles, juridiques et économiques, les pêcheurs et les organisations qui les soutiennent ont pris conscience de leurs terrains et de leurs préoccupations communes. Il s’agit là d’un excellent tremplin pour enfin appliquer les dispositions de la Politique Commune de la Pêche, donner la priorité aux critères sociaux, environnementaux et économiques dans tous les processus décisionnels et développer des pratiques de cogestion visant à reconstituer les ressources et à en assurer une utilisation responsable.

Photo: LIFE

Depuis sa création en 2010, Mundus maris soutient la pêche artisanale à faible impact. En 2018, après des années d’actions individuelles, Mundus maris a lancé, en collaboration avec des hommes et des femmes issus du secteur de la pêche artisanale de tout le Sénégal, l’Académie de la Pêche Artisanale afin de répondre à leurs demandes légitimes d’équité, de respect et de moyens de subsistance durables. Les approches fondées sur le dialogue inclusif de la SSF Academy apportent un soutien opérationnel à la mise en œuvre des Directives volontaires pour une pêche artisanale durable. Tout le monde est invité à partager ses connaissances et son expérience dans l’ensemble des chaînes de valeur de la pêche artisanale, ainsi que toutes les autres professions concernées par un apprentissage et une cooperation conjointe pour célébrer la culture locale, une vie saine dans l’Océan et une gestion responsable.

Découvrez les quelques 30 organisations d’artisans pêcheurs als ont revendiqué avec force leur place à la table des négociations lors de la Conférence des Nations unies sur l’Océan qui s’est tenue à Nice en juin 2025. Le mouvement gagne en visibilité sur tous les continents et mérite tout le soutien possible. Félicitations à LIFE et à Blue Ventures our avoir fait avancer la cause d’une pêche équitable en Europe.

Texte et photos par Cornelia E Nauen, sauf indication contraire.

Académie de la pêche artisanale