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Une goutte d'eau dans l'océan

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« Nous réalisons que ce que nous accomplissons n’est qu’une goutte dans l’océan. Mais si cette goutte n’existait pas dans l’océan, elle manquerait. »

Mère Térésa.

La planète terre est communément appelée la « planète bleue ». Composée à 70% d’eau, décomposée en océans et mers pour la plupart, c’est une ressource vitale qui assure la survie de nombreuses espèces, parmi lesquelles l’Homme. Devenue de par sa rareté (1) un enjeu majeur de développement, l’utilisation de la ressource aqueuse interpelle chacun dans sa vie quotidienne. En Afrique, la femme est au coeur de la gestion quotidienne des activités et devient de plus en plus un acteur central de développement. Aussi, penser l’océan à la lumière de la vie, du travail et du bonheur d’une femme revient à relier ces deux enjeux et à interroger le rôle de l’océan dans le processus d’autonomisation de la femme en Afrique, et au Cameroun en particulier. Pour ce faire, nous passerons en revue l’apport de l’océan dans la vie des femmes, d’abord en examinant les activités traditionnelles qu’elles impliquent (I) et ensuite, les utilisations modernes et les enjeux de développement qu’elles drainent (II).

I/ OCEAN ET TRADITION

L’Océan Atlantique joue un rôle majeur dans la vie culturelle et économique du Cameroun. Frontière naturelle située à l’Ouest du pays, il a influencé et influence encore fortement les pratiques et les rites, notamment dans les zones côtières. Sur le plan culturel notamment, il a inspiré de nombreuses croyances parmi lesquelles celle des « mami wata ». Divinité aquatique à laquelle on prête souvent une grande beauté et de grands pouvoirs; les « mami wata » ont joué un rôle prépondérant dans le développement du tourisme, notamment dans les régions du Sud (Kribi) et du Sud-Ouest (Limbé). Les femmes originaires des régions sus citées ont su capitaliser ce potentiel en transformant leur beauté en un capital économique. Par ailleurs, et dans la continuité des pratiques culturelles traditionnelles, la célébration du « ngondo », fête traditionnelle du peuple SAWA, est une cérémonie de communion du peuple avec les divinités de l’eau et les ancêtres. Véritable vitrine de la tradition du peuple SAWA, c’est aussi un véritable pôle économique qui draine chaque année de multiples investissements et génère par ailleurs de nombreuses ressources économiques. Les femmes sont également au coeur de cet évènement. Au-delà de l’attractivité qu’elles représentent, notamment à travers l’élection de « Miss Ngondo », ce sont également des entrepreneures actives qui détiennent de nombreux stands sur le site même du ngondo et arrivent à faire de cet évènement, un rendez-vous attendu chaque année.

Mais l’océan, c’est d’abord une source primaire de nourriture, d’oxygène et de médicaments. Les femmes ont su capitaliser cette ressource en la mettant au service de la communauté par des pratiques ancestrales de pêche et de cuisine. Chez les Pygmées (2) par exemple, la femme est en charge de la pêche et de la cueillette. Dans le domaine culinaire, les femmes ont maitrisé l’art de transformé les ressources accordées par l’océan en délices gustatifs. C’est le cas par exemple des braiseuses de poisson qui ont assis leur renommée et leur art sur le plan international, à tel point que ce mets est devenu une attraction nationale. Mais le rôle de l’océan dans la vie des femmes ne se résume pas seulement à ces utilisations traditionnelles.

II/ OCEAN ET INNOVATION

Les activités dites traditionnelles évoluent face à la pression de la modernité et notamment grâce à l’évolution technologique. Cette avancée se manifeste dans de nombreux domaines, notamment la pêche, qui se spécialise et se diversifie: pêche industrielle, pisciculture, aquaculture, etc… Autant d’activités génératrices de revenus et de pôles porteurs pour l’économie. Les femmes l’ont très vite compris et sont engagées dans le processus de changement, même si leur nombre est encore marginal. D’autre part, l’océan reste une attractivité pour les tourismes du monde entier. Aussi, les villes côtières et portuaires capitalisent elles ce potentiel en se transformant en de forts pôles touristiques, à l’instar de la ville de Kribi dans le Sud-Ouest du Cameroun dont la transformation est encore en cours mais qui ambitionne de devenir, plus qu’elle l’est déjà, une véritable attraction sur le plan touristique, maritime et financier des IDE (3). L’entreprenariat au féminin a su profiter de cette vague porteuse. En effet, on dénombre de plus en plus de femmes propriétaires terriennes ou encore promotrices d’hôtels. Par ailleurs, les femmes sont aussi le visage de l’océan, de par leur implication pour la préservation des ressources maritimes, leur participation à l’entretien des plages, mais aussi par l’intérêt qu’elles portent au secteur maritime en général. Lors de la célébration de la journée mondiale de l'océan en 2018, nous avons dû faire un triste constat du mauvais entretien des plages de Kribi (4). Face à cet état de fait, des appels aux âmes de bonne volonté ont été lancés pour procéder au nettoyage et lutter contre la pollution. Les femmes de la ville ont répondu massivement à cet appel. D’un autre côté, les métiers de la mer et de l’océan attirent chaque année une population féminine de plus en plus nombreuse. Même si au Cameroun de nombreux métiers comme l’océanographie sont encore quasi inexistants, les secteurs comme le transport maritime et le transit, la biologie marine ou encore l’ingénierie du traitement de l’eau sont des secteurs de plus en plus plébiscités par les jeunes camerounaises en quête de savoir et désireuses de participer au développement de leur pays.

En définitive, en examinant les différents apports de l’océan dans la vie des femmes, nous avons pu esquisser un portrait féminin de l’océan, dans le contexte particulier camerounais. Sur le plan traditionnel, l’océan est intimement lié aux moeurs et coutumes culturelles ancestrales des peuples côtiers. La croyance en des divinités et le respect des rites culturels ancestraux sont autant de pôles de participation dans lesquels s’investissent les femmes et auxquels elles parviennent à donner une nouvelle dimension en termes d’attractivité et de rayonnement. Cette logique reste vraie pour les activités porteuses d’innovation et de développement telles que la pêche et le tourisme dont elles arrivent à saisir toute l’implication économique et à s’imposer comme de véritables actrices du développement, tant au niveau micro que macro-économique. Cependant, l’on est forcé d’admettre qu’elles restent marginales dans la réalisation de toutes ces activités, telles une goutte d’eau dans l’océan. Mais leur impact est loin d’être négligeable car comme l’a dit Mère Téresa, « si cette goutte d’eau n’existait pas dans l’océan, elle manquerait ». Aussi l’enjeu aujourd’hui est d’accompagner ces initiatives et actions il faut le dire, déjà porteuses de résultat afin que cette volonté soit catalysées et que les gouttes d’eau puissent s’épanouir en vague déferlante.

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(1) L’eau dite douce à savoir propre à la consommation, constitue à peine 2,5% de la ressource aqueuse dont seulement 0,7% sont accessibles en surface.

(2) Les Pygmées sont un peuple minoritaire et assez marginal habitant généralement dans la forêt camerounaise. Ils sont répartis en trois groupes distincts à savoir les Bakas dans la zone de l’Est et du Sud, les Bakola dans la zone de l’Océan et les Medzam, dans la plaine Tikar.

(3) Investissements Directs Etrangers

(4) Selon ce constat, environ 95% des plages de la ville de Kribi sont mal entretenues


 Koloko Toukam Karel Sandra

Catégorie : Jeunes

Age : 25 ans

Cameroun